Un nouvel emblème surplombe la ville de Lucerne
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Lucerne, capitale suisse de l’assurance

Lorsque Lucerne a été choisie pour accueillir la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, il était clair pour les Chambres fédérales que la ville abriterait également le tribunal des assurances.

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      Le Conseil fédéral avait prévu à l’origine de créer une seule autorité judiciaire compétente en matière d’assurance-accidents, le Tribunal fédéral des assurances, à Berne. Les débats parlementaires ont cependant vu s’imposer un modèle fédéraliste à deux échelons. La première instance devait se situer au sein des cantons, ce qui permettait de garantir «une meilleure surveillance de la constatation des faits sur le lieu où s’est produit l’accident», comme l’a expliqué la commission chargée de l’examen préalable lors des débats au Conseil national le 7 octobre 1908.

      Par conséquent, «le Tribunal des assurances n’étant plus qu’un tribunal d’appel, son activité ayant été restreinte de manière significative et son organisation n’ayant plus le poids qu’elle aurait eu si le système du Conseil fédéral avait été conservé», une séparation des sièges n’était ni judicieuse ni recommandable aux yeux de Johann Hirter (PLR, Berne), rapporteur de la commission et membre du Conseil d’administration de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident de 1912 à 1914 – un raisonnement auquel ont adhéré le Parlement et le peuple.

      Un membre du Conseil d’administration de la Caisse nationale prend la présidence du tribunal

      Le Tribunal des assurances devant être uniquement chargé des cas relatifs à l’assurance-accidents et à l’assurance militaire, les Chambres fédérales ont attendu que soit fixée la date d’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’assurance-accidents avant d’élire les juges. A l’été 1917, le début de l’exploitation était encore prévu pour le 1er janvier 1918. Le 24 septembre 1917, l’Assemblée fédérale a donc élu deux juges permanents et cinq juges suppléants pour une durée de six ans à compter du 1er décembre 1917. La présidence a été confiée à Josef Albisser, conseiller municipal PS de Lucerne (de 1915 à 1917) et membre du Conseil d’administration de la CNA (de 1912 à 1917).

      Paul Usteri, président du Conseil d’administration de la CNA, s’est réjoui de ces liens étroits lors de la première séance de ce dernier après l’élection des juges, le 17 octobre 1917. Ainsi, l’institution avait la garantie «que le tribunal serait tenu informé des principes selon lesquels la Caisse entendait gérer l’assurance».

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      Au début du mois de décembre, le président du tribunal, Josef Albisser, et son vice-président Paul Piccard, auparavant greffier du Tribunal fédéral à Lausanne, ont emménagé dans les locaux situés Adligenswilerstrasse 24, à Lucerne, à côté de l’hôtel Montana.

      Le tribunal y est resté jusqu’en 2002 avant d’être transféré dans les anciens bâtiments administratifs de la Gotthardbahn-Gesellschaft, sur le Schweizerhofquai, à Lucerne.

      «Une chaleur insupportable et un froid glacial»

      Le Tribunal des assurances avait d’abord élu domicile dans la villa située Adligenswilerstrasse, sur les hauts de Lucerne, et dont le propriétaire, Emil Schumacher-Kopp, a exercé la fonction de chimiste cantonal de 1879 à 1924. Josef Albisser n’appréciait pas du tout ces locaux. Dans son premier rapport d’activité adressé à l’Assemblée fédérale, il a écrit en 1919: «Le nouveau bâtiment du tribunal est inadapté aux activités d’un tribunal, ne serait-ce qu’en raison de son emplacement en dehors de la ville, tout en haut de la rue escarpée menant à Adligenswil, dont elle tient son nom». Il a signalé un autre défaut notable: «Il ne dispose pas d’un nombre suffisant de pièces.» La plupart des employés et les deux secrétaires du tribunal devaient selon lui travailler «dans une véranda vitrée, étroite et tout en longueur», «où la chaleur pouvait être insupportable en été et le froid glacial en hiver».

      Durant les trente premières années, le tribunal s’est uniquement prononcé sur des cas relatifs à l’assurance-accidents et à l’assurance militaire. Ce n’est qu’après la création de nouvelles oeuvres sociale qu’il s’est également vu confier, en 1948, le règlement de litiges en matière d’assurance-vieillesse et survivants (AVS). Ont ensuite été ajoutées à son domaine de compétence les allocations familiales dans l’agriculture en 1950, l’assurance-chômage (AC) en 1952, l’allocation pour perte de gain (APG) en 1953, l’assurance-invalidité (AI) en 1960, l’assurance-maladie en 1965 et les prestations complémentaires de l’AVS en 1966. Enfin, en 1985, il s’est également vu confier la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), et en 2005 l’assurance-maternité.

      Lucerne conserve le tribunal

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      Tribunal fédéral, Schweizerhofquai, Lucerne

      De tribunal autonome, le Tribunal fédéral des assurances s'est mué en 1968 en une cour autonome du Tribunal fédéral. Son siège a été maintenu à Lucerne. Ce point a fait débat en 2005, lorsque le Parlement, à Berne, a décidé de fusionner le Tribunal des assurances et le Tribunal fédéral. Lucerne s’est opposée à une mise en commun des locaux et a obtenu gain de cause. Le Tribunal des assurances a effectivement été intégré au Tribunal fédéral en 2007, mais Lucerne est devenue le siège des deux nouvelles cours de droit social. Dix juges fédéraux et quelque 80 collaborateurs y travaillent aujourd’hui.