Story 17 - Luca Giacometti_2.jpg

En haut des cimes

«Je recherche la sécurité dans tout ce que je fais», explique Luca Giacometti, spécialiste sécurité et protection de la santé pour le secteur industrie, arts et métiers. Cet ancien arboriste est resté fidèle à ce principe bien avant de recevoir, sous sa porte, une offre d’emploi de la Suva.

Table des matières

Lorsque nous rencontrons Luca Giacometti pour la première fois, il affiche un large sourire. Casquette multicolore vissée sur la tête, il est détendu et drôle. Mais lorsqu’il est question de harnais et de sécurité, il fronce les sourcils et pèse ses mots. Luca Giacometti prend ces sujets très au sérieux.

Qui donc, mieux que cet ancien arboriste à l’œil critique, pour commenter le championnat suisse des arboristes-grimpeurs? Car même durant ses loisirs, en l’occurrence en tant qu’animateur, Luca s’intéresse à la sécurité des arboristes. Lors de la compétition professionnelle qui s’est déroulée en juin dernier au Parco Ciani de Lugano, des professionnels se sont mesurés les uns aux autres dans cinq disciplines: déplacement, ascension, sauvetage de personnes, lancer de sac et déplacement rapide. Autant d’épreuves qui reflètent les exigences de la profession en matière de technique d’escalade, d’habileté manuelle et de concentration.

Une offre d’emploi glissée sous sa porte

«Il n’y a pas de plus bel endroit au monde pour travailler», explique Luca en levant les yeux vers les cimes. «De là-haut, on a une tout autre perception de la vie.» Un participant fait sonner une cloche avec sa scie, on applaudit, puis les jurés notent le temps chronométré. «Nous sommes très autonomes, mais c’est aussi un travail d’équipe.» Chaque geste est répété tant de fois qu’il faut être parfaitement concentré malgré ses automatismes. «Si l’on se laisse distraire, cela peut devenir très dangereux, explique Luca. Et ce, pour tout le monde.» En effet, ce que l’on fait en haut se répercute en bas. Les arboristes doivent donc bien connaître leurs limites, mais aussi faire attention à leurs collègues. Si l’un d’entre eux ne se sent pas très bien, on lui recommande de commencer par des travaux au sol jusqu’à ce qu’il aille mieux. «La culture de l’erreur est prépondérante dans ce secteur», précise-t-il.

Lorsqu’on lui demande si les cimes des arbres lui manquent, il prend un ton grave: «Un peu. Mais ce travail est usant et très exigeant physiquement. À long terme, les travaux sur cordes laissent des traces.» Heureusement qu’il y a eu Nona Pièr, la propriétaire de son logement au Tessin: «Elle a probablement vu que je rentrais tous les soirs avec des cernes sous les yeux, explique-t-il. Toujours est-il qu’un jour, elle a glissé une offre d’emploi sous ma porte.» C’était il y a quatorze ans.

Story 17 - Luca Giacometti.png

Un échange entre pairs

Luca est responsable des contrôles d’entreprise et du conseil aux entreprises actives dans les travaux forestiers, le soin aux arbres et d’autres branches. Il s’assure que leur personnel porte un équipement adéquat et que l’aménagement du travail et l’organisation en cas d’urgence sont adaptés. Ses tâches ne sont pas toujours agréables: «Après un accident très grave, je dois mener une enquête sur place. Un échange entre pairs avec un collègue de travail, ce qui m’affecte beaucoup», explique-t-il, pensif. «Souvent, je comprends parfaitement pourquoi l’accident s’est produit et je me dis que cela aurait pu m’arriver.»

Chaque année, plusieurs accidents très graves ou mortels doivent faire l’objet d’investigations. «Lorsque cela concerne des personnes en formation, c’est encore plus dur à digérer», précise-t-il. Son fils a treize ans, sa fille quinze. «C’est en partie pour eux que je vais de moins en moins souvent grimper en montagne», ajoute-t-il. Son expérience l’aide beaucoup dans son travail. «Il s’agit d’un échange entre pairs. Je sais ce que l’on ressent, par exemple à 30 ou 35 m du sol. Chose étonnante: nous sommes davantage en sécurité sur les grands arbres, car il y a généralement un point d’ancrage adéquat.» Selon lui, le risque augmente sur les arbres plus petits, car il est difficile de s’y assurer et les branches longues et basses sont dangereuses. «Avant, s’assurer au niveau des branches porteuses était facultatif et de nombreux accidents très graves se sont produits.» Aujourd’hui, c’est obligatoire.

Des travaux forestiers avec l’estomac noué

Luca Giacometti a grandi dans le val Bregaglia et parle l’allemand, l’italien, le français ainsi que le bargaiot, le dialecte local. Il y a aussi effectué un apprentissage de forestier-bûcheron. «J’avais toujours l’estomac noué au moment de monter sur de grands arbres», explique-t-il contre toute attente. Ses collègues lui avaient demandé: «Tu fais de l’escalade?» Il avait répondu: «Oui, sur des falaises.» C’est tout. «À l’époque, il n’était pas nécessaire d’avoir suivi une formation spéciale pour grimper aux arbres», précise-t-il. Or les falaises n’ont rien à voir avec les arbres. Il s’est donc demandé comment grimper en toute sécurité. Une fois sa formation achevée, il a travaillé dans le négoce de bois. Âgé de 27 ans, il se jugeait alors trop jeune pour travailler dans un bureau. Il a donc suivi une formation de spécialiste en soin aux arbres, d’une durée de deux ans, pour apprendre à escalader les arbres en toute sécurité. Ce qu’il veut à présent, c’est que les autres en fassent de même. 

Un large sourire mais beaucoup de sérieux. Pour mieux décrire Luca Giacometti, il y a cette conversation entendue par hasard, alors qu’il discutait des examens finaux avec un arboriste: «Lorsqu’un jeune est trop nerveux, a-t-il expliqué, faites une petite pause. Assieds-toi près de lui et demande-lui ce qui ne va pas. Essaie de le calmer. Il ne faut surtout pas lui mettre plus de pression!»

Cette page vous a-t-elle été utile?